A DIEU MONSIEUR L’ABBE GABRIEL BODIN

C’est le 4 avril 2020 que nous avons appris le décès de l’abbé Gabriel Bodin, parti la veille en fin de soirée, en toute discrétion, à l’image de sa vie, comme s’il avait choisi ce temps du confinement pour ne déranger personne.

Une messe aura lieu le samedi 21 novembre à 11h à Audinghem en la mémoire de l’abbé.

                Né à Alincthun le 31 mars 1923, il a été ordonné prêtre le 29 juin 1947. Après la fin de ses études à Lille, il était rentré comme professeur de français, latin, grec au petit séminaire de Boulogne rue de Maquétra. En 1967 il a intégré Haffreingue-Chanlaire toujours comme professeur de Français où il enseignait aux élèves de 1ère et terminale.

                En 1979 il a pris en plus la charge de curé d’Audinghen et Tardinghen, puis est devenu prêtre aîné associé en 2002.

                Il est décédé à l’hôpital, il y était entré début mars en gériatrie où il avait reçu assez vite le sacrement des malades.

                Toute sa vie a été donnée à l’enseignement, une passion, un sacerdoce. Lors de son jubilé en 1998, Monsieur l’abbé Duval avait dit de lui :

« Toute une vie de prêtre-professeur : le service de Dieu et des hommes sous la forme du service des jeunes : préparer à la réussite des examens, avant tout préparer des jeunes à savoir devenir des adultes par la formation de leur esprit : apprendre à réfléchir, à savoir, à mettre de l’ordre dans ses idées, à s’exprimer par oral et par écrit, à se former un jugement personnel, à goûter la beauté par toutes sortes d’exercices bien dosés : cours proprement dits, révision, dissertations simplement corrigées, traduction en grec et en latin. Tout cela dans la joie d’apprendre, communiquée par la conviction de l’enseignement.

S’y ajoutent l’attention pour chacun, l’encouragement pour ceux qui peinent, le respect des personnalités, le contact maintenu avec les anciens, des liens solides tissés avec des centaines de jeunes, ce service des jeunes est un service de l’Eglise et il se fait dans l’esprit de Gabriel Bodin : dans l’obéissance quotidienne, dans le travail en équipe. »

                Quand après une longue carrière l’éducation nationale lui a imposé de prendre sa retraite, ce fut d’abord un déchirement, mais très vite il a su rebondir et se rendre utile auprès des jeunes toujours pour l’enseignement du Français, Latin et Grec. Monsieur le Chanoine Bernaert – Monsieur le Supérieur- avait à cette époque écrit un petit texte qu’il avait intitulé malicieusement : « VOUS AVEZ DIT RETRAITE ! ». Non il ne pouvait s’y résoudre. Il s’est alors donné entièrement à l’aide des élèves pour le Français en faisant passer des oraux en vue de la préparation aux examens. Il en profitait alors pour dire à chacun ce qui était bien et ce qu’il fallait améliorer. Beaucoup parmi ses anciens élèves lui en sont reconnaissants.

«** Un grand homme que nous remercions pour nous avoir enseigné la passion du français et de notre belle littérature mais aussi il nous a appris la bienveillance, une valeur sûre et durable, reposez en paix cher Monsieur l’abbé. Antoine Libaux

** Je l’ai eu en français, un homme de patience avec moi. Condoléances. Pierre Arnaud Mitoire

** Super enseignant il fut une découverte pour moi, et m’a donné le goût de lire et de la littérature, cela m’a servi toute ma vie. Bravo Mr Bodin!! Philippe Henaut

** La TRINITÉ….je crois avoir cru comprendre grâce à LUI…Lors d’un prêche dans l’exceptionnelle Église de TARDINGHEN….Homme exceptionnel….Culture exceptionnelle…limpidité du verbe….Sourire permanent…Prières ….Condoléances. Albert Fayeulle.

** Il savait nous inculquer de belles valeurs humaines. Je me souviens de l’oral de français qu’il nous faisait passer en confiance. Christophe Le Mouël

** Dans sa sacristie, il m’avait posé la question: Loïc, souvenez-vous du plus beau vers de la langue grecque, et pour ne pas être brillant en cette matière, j’avais su néanmoins lui répondre en grec comme en Français – ce qui avait pu un instant rassurer le Professeur et mieux l’éducateur d’un élève de 1ère (1972-1973): « je ne suis pas né pour partager la haine mais pour partager l’amour ». A vous, Monsieur l’Abbé qui avait à la lettre respecté et profondément vécu cette réponse d’Antigone, toute votre vie, je rends grâce pour toute cette vie de bénédictions.  Loïc BERNARD »

Et encore beaucoup d’autres témoignages, allant tous dans le même sens, un homme attentif, un prêtre de qualité, discret, humain, un témoin de l’Evangile.

Comment ne pas terminer en reproduisant le beau poème écrit par Philippe Monchy lui aussi un de ses anciens élèves :

Le petit homme frêle s’en est allé
Sans faire de bruit
À pas de moineau
Comme à son habitude,
Pour ne pas déranger
La communauté
Pour ne pas abuser…
De l’hospitalité
On l’appelait
Monsieur le curé
En son église
Monsieur Labbé en son  collège
Gabriel en pensée, et parenthèse
Il pesait les mots
Et les posait
Avec tendresse
De peur de les blesser
Au temps des dissertes
Des combats
Mal armés
Contre l’angoisse
Du vide papier
Que la blancheur défend

Un temps passé
Et nous voilà
Un peu plus tard
Sur un bas côté
Avec des brindilles
De souvenirs
Qui remontent
En abrégé
Des mots appris
Avec le cœur
Et des voix lointaines
Celles de Verlaine
Hugo Rimbaud
Peguy et Valéry
Et compagnie
Sans oublier
Bernanos
Évidemment
Le petit curé
Bien trop seul
Son frère de campagne
Son voisin de Fressin
Et l’image un peu floue

D’un monsieur
Sur une estrade
Un tablier gris
Qui vous transformait
Une classe en
Atelier d’écriture
En rucher de poésie
Pour des croisières
Littéraires
Via Rome ou Athènes
Et repartait
Sur son Peugeot
Baptisé Pégase
À moteur s’il vous plaît
Avec le sourire
Et cette inspiration
Qui affole les vents
Nous élève et nous enlève
Eleutheria

Tout est dit là aussi.
AU REVOIR MONSIEUR L’ABBE

R. Pilloy